la protection de l’enfance, debout !

tract des Fédérations Sud Santé-Sociaux et Collectivités Territoriales édité le 6 février 2013


tract

Les sixièmes Assises nationales de la Protection de l’enfance ont lieu au Mans les 11-12 Février 2013 sous le titre : « Savons-nous protéger nos enfants ? Pour sortir du doute, reconnaître nos faiblesses, revisiter nos réponses, retrouver la confiance ».

C’est une première : six ans après la réforme de la protection de l’enfance, d’aucuns se posent la question de savoir si « nous » savons protéger les enfants. Qui parle ainsi pour nous ? à quel titre ? à quelle fin ?

Le choix d’organiser cette rencontre au Mans est lié à « l’affaire Marina », morte à 8 ans sous les coups de ses parents après trois signalements qui l’ont laissée sans protection. Les parents ont été condamnés par la cour d’Assises de la Sarthe en juin dernier. Trois associations d’usagers, parties civiles au procès, ont engagé des actions en justice contre l’Etat pour fonctionnement défectueux de la justice et contre X pour non-assistance à personne en danger, cette dernière visant les professionnel-le-s de l’Aide sociale à l’enfance du conseil général de la Sarthe.

Ces derniers, appelés à témoigner au procès, ont déclaré avoir agi conformément au cadre réglementaire dans le traitement de l’information préoccupante : « Nous avons estimé qu’un travail était possible avec la famille. A aucun moment elle n’a refusé de collaborer. Nos professionnels ont appliqué la loi de 2007 telle qu’elle s’impose à eux  ».

Pour autant la loi du 5 mars 2007 ne sera interrogée ni par les parties civiles ni par la cour.

Le président du conseil général est fondé à affirmer que les professionnel-le-s du Pôle Enfance Famille « ont agi comme ils devaient le faire en pareil cas, conformément aux cadres de la loi  » quand celle-ci opère un tournant radical dans le traitement du signalement : ce n’est plus l’importance du danger mais la collaboration ou non des parents qui détermine la conduite à tenir, telles les éventuelles visites à l’improviste, la saisine ou pas de la justice.

Cette « contractualisation » supposée alternative à la judiciarisation et l’adhésion surfaite qu’elle entraîne, renseignent désormais les « bonnes pratiques » des professionnel-le-s comme des parents. Cette ‘‘collaboration’’ s’invite tragiquement dans le calvaire de la petite Marina.

Aussi, les titres et sous-titres de ces assises « Savons-nous protéger nos enfants ? », « Des modes d’action qui génèrent le doute », «  Un dispositif qui, faute d’évaluation, peine à évoluer », « Comment retrouver la confiance  », « Protéger qui ? Protéger quoi ? » - leur tonalité d’auto flagellation - s’ils servent à interroger les pratiques professionnelles plus que les orientations politiques serviront à couvrir un peu plus le dévoiement de la protection de l’enfance opéré par la réforme de 2007.

A savoir :

  • une protection de l’enfance posée en termes d’offre et de demande (« parler contrat » oblige), pour dissoudre le danger dans la logique de marché ;
  • la dilution de l’intérêt de l’enfant dans celui de la Famille, une certaine famille, chère aux libéraux, contre laquelle s’est édifiée, outre la Protection de l’enfance, l’école de la République ;
  • la substitution à l’Etat social d’une ‘‘Famille providence’’ ;
  • la disparition programmée de la compétence du juge des enfants au civil sur la base du modèle communautariste anglo-saxon, au motif que « l’opposition entre droits des enfants et des parents est stérile » (Philippe Bas, ministre délégué à la Famille 2007) ;
  • l’installation, dans un contexte de charges croissantes de RSA, d’APA, de PCH et d’assèchement des moyens, du conseil général - « chef de file » de la protection de l’enfance - comme juge et partie ;
  • la remise en cause du secret professionnel qui systématise le soupçon au détriment de la prévention et de la relation de confiance indispensable à nos métiers, risque d’isoler davantage les familles en difficultés ;
  • autant de dispositions qui permettent moins de « clarifier le rôle des acteurs », de « sortir du flou de la notion de danger » - leitmotiv de la réforme - que d’obtenir que l’économique et l’idéologique s’y ‘‘floutent’’ mutuellement.

Au total et sous couvert d’harmonisation - en fait de nivellement par le bas - nous assistons à la même déréglementation dans la protection de l’enfance que dans les conventions collectives, dans le Code de l’action sociale et des familles ou le Code civil que dans le Code du travail : il n’y aurait pas plus lieu d’opposer l’intérêt de l’enfant et celui de ses parents au nom de la Famille, que d’opposer l’intérêt del’employé-e et celui de l’employeur au nom de l’Entreprise !

On ne s’étonnera pas de la participation de la FEHAP (syndicat employeur de la CCNT 51) au Comité de pilotage de ces Assises, FEHAP tristement célèbre pour avoir imposé brutalement aux milliers de salariés de son champ professionnel une baisse considérable d’acquis conventionnels, anticipant ainsi, dans la course à la concurrence, la marchandisation du secteur sanitaire, social et médico-social.

Pour ne pas faire de ces assises le Xe enterrement national de la protection de l’enfance, les professionnels sont appelés à y interroger, au-delà des pratiques professionnelles, les pratiques institutionnelles et les pratiques politiques.

Nous devons à une enfant martyr comme à ceux qui souffrent quotidiennement du dysfonctionnement consécutif à la réforme de la protection de l’enfance, un courage et une honnêteté intellectuels et politiques qui honorent nos


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