« le bonheur au travail » - Sud rencontre le Président

« le bonheur au travail »

Tel est le titre du documentaire diffusé sur Arte en février et que SUD a suggéré aux DGS et DGA de regarder pour alimenter les réflexions, en particulier pour le groupe QVT « association des acteurs aux changements »…
tract

Dans "Le bonheur au travail", les expériences présentées ne sont sans doute pas toutes transposables pour les services départementaux mais peuvent donner un éclairage sur les réorganisations et les causes de mal-être au travail.

Ce documentaire a fait le tour des directeurs et chefs de service, enjoints par M. Gillouard à y réfléchir pour leur séminaire du 5 mai dernier. Et pour cause : le bonheur au travail reposerait notamment sur leur repositionnement !

Par ailleurs, une première rencontre avec les organisations syndicales le 6 mai a donné lieu à des échanges très intéressants sur les organisations décrites dans le documentaire, qui concernent principalement des entreprises mais aussi des services publics.

Des entreprises « libérées »

Comprenez libérées de toute hiérarchie, ou presque. Car le principe commun de toutes ces entreprises ou services publics est la suppression de toute hiérarchie intermédiaire doublée d’une autonomie totale des salariés à propos des décisions prises pour améliorer leur productivité. le système hiérarchique pyramidal, tel qu’il est pratiqué dans l’immense majorité des entreprises, est non seulement obsolète, mais contre-productif.

L’encadrement à repositionner

Les "sous-chefs", voilà l’ennemi, selon l’anthropologue David Graeber, auteur d’une célèbre diatribe sur les "bullshit jobs" ("emplois à la con"), soit ces emplois dédiés au contrôle des salariés, qui en fait les étouffent. Dans une entreprise dite "libérée", le pouvoir est redonné à chacun et les décisions sont prises avec toutes les personnes impliquées. Exit la multiplication des contrôles, les "reporting", l’évaluation des salariés.

Certains managers ont du mal à s’adapter à un modèle où ils voient la remise en cause de leur fonction comme une dégradation, une perte de pouvoir, une perte de signes extérieurs de ce pouvoir. Une DRH belge le dit dans ce film : le plus gros problème ce sont "les petits chefs avec de gros égos" ! Elle, préfère qu’on la présente comme la "directrice générale du bonheur".

D’autres cadres se réinvestissent dans une fonction d’expertise, de conseil et de régulation.

Des garde-fous à trouver

Le film montre aussi les grosses difficultés qui surgissent avec ces organisations. Supprimer la pointeuse, par exemple, pour donner plus de souplesse au salarié, pour le laisser libre de ses horaires, à condition qu’il remplisse ses objectifs, est aussi une manière de revenir sur les acquis sociaux et sur la mesure du temps de travail. On ne raisonne plus en fonction du temps passé mais d’objectifs à atteindre. Parce que remplir les objectifs implique souvent de travailler le soir, la nuit, le week-end. Et là, il n’est pas évident que ça rende heureux !

Le juste équilibre est à trouver entre la responsabilité individuelle et la responsabilité collective pour que la flexibilité et la liberté offertes aux individus ne les mènent pas à des comportements de surengagement, qui seraient contre-productifs en matière de bonheur. S’éclater au bureau, OUI, mais terminer en burnout, NON !

Quelles perspectives pour les services départementaux ?

L’objectif de SUD en impulsant cette démarche n’était pas de plaquer tel ou tel modèle mais d’amener l’administration à changer de posture. Les microréorganisations ont conduit à la multiplication de ce qui ressemble fort à des "bullshit jobs" et à une explosion des situations de mal-être et de souffrance. Mais il n’est pas question pour SUD de jeter quiconque en pâture. Chacun doit pouvoir trouver sa – bonne – place dans l’administration. C’est avant tout à nos DG et DGA de changer radicalement les messages envoyés :

  • aux cadres qui, notamment depuis la mise en place de la NOUVOS, ne pouvaient trouver de valorisation que dans des fonctions managériales ;
  • plus globalement, à tous les agents qui sont saturés de groupes de travail ou de pseudo consultations dont ils ressortent avec le sentiment de n’avoir été ni écoutés, ni entendus ;
  • aux organisations syndicales, qui doivent avoir des garanties sur les objectifs réels et les moyens, tant pour les personnels que pour le service public, avant de s’engager
    dans une telle démarche. L’intérêt soudain de la collectivité pour une telle réflexion est à l’opposé de ce qu’elle développe au quotidien dans les services. Elle peut y trouver une opportunité de mieux faire passer les suppressions de postes qu’elle envisage à court et moyen terme pour réduire la masse salariale.

C’est à cette triple condition que les services départementaux deviendront peut-être une "administration libérée" !


SUD rencontre le Président

L’installation d’un nouvel exécutif au Département s’accompagne traditionnellement d’une
rencontre des organisations syndicales. Le 4 mai, SUD a répondu favorablement à l’invitation du Président, occasion de faire passer quelques messages.

Passée la cordialité des présentations, le Président a rappelé son attachement au service public. Pour preuve, il a exercé en tant que vice-président sur le précédent mandat et, auparavant, en tant qu’agent territorial de la fonction publique territoriale. Il a également exprimé son souhait de mener un dialogue social régulier et constructif avec les organisations syndicales.

Budget et priorités

Dans un long propos liminaire, Monsieur Chenut nous a fait part de sa volonté de maîtriser les comptes publics, dans le contexte de budget contraint (et de réduction des dotations) et compte-tenu des finances du Département qui pour la première année affichent un déficit.

Le Président a ensuite présenté sa feuille de route pour les prochains mois. Au regard des incertitudes qui pèsent sur le Département dans le cadre de la réforme territoriale, une prospective budgétaire est prévue jusqu’à l’été pour évaluer le financement des missions obligatoires et les marges de manœuvre restantes, ce dans l’attente de la finalisation du transfert des compétences issue du vote de la loi courant juillet 2015. Sans attendre l’architecture des compétences définitives attribuées au Département, il a renouvelé les annonces faites lors de son investiture, à savoir poursuivre l’aide à l’investissement dans le département et le soutien au développement économique local, intervention qui s’inscrit pourtant dans le périmètre des compétences facultatives !

SUD n’a pas manqué de lui rappeler que ce n’est pas la vocation de la collectivité de soutenir l’économie mais du ressort de la Région. L’occasion pour nous aussi d’afficher notre préférence pour l’emploi public, menacé (lui aussi) par des plans d’économie dans la FPT et qu’il faut particulièrement défendre aujourd’hui, au moment où les effectifs, les statuts et les rémunérations sont clairement remis en cause.

15 jours plus tard, dans le cadre de la grève des professionnels du travail social du 19 mai, le Président donne le ton d’entrée de jeu à la délégation SUD-FO-CGT. Il réfute l’idée d’une politique d’austérité à l’œuvre et déclare qu’il soutient pleinement tous les axes pris par le gouvernement. Ainsi, le Département devra participer à l’effort d’économie pour réduire la dette...

Santé et conditions de travail des agents

Nous avons également évoquer nos inquiétudes sur le personnel de la collectivité, des agents effectivement très investis (pour reprendre les propos du Président dans sa 1re déclaration) au point pour certains d’être épuisés et en souffrance au travail, dans une réalité professionnelle très éloignée de la vision idyllique de l’emploi dans la fonction publique et de la qualité de vie au travail que l’on prône ! Nous avons illustré nos propos en témoignant des pressions de plus en plus fortes, des dysfonctionnements du système managérial, de l’intensification du travail, des réorganisations, des réductions de moyens, des attentes fortes des usagers, de la demande croissante en aide sociale… Un cocktail auquel sont exposés de plus en plus d’agents et qui conduit à un mal-être sans précédent.

Évoquant les conditions de travail difficiles des agents des collèges, des travailleurs sociaux et dans certains services, l’échange s’est poursuivi sur la quantification de la charge de travail souvent inappropriée et sur la survalorisation de la fonction managériale, engendrant depuis plusieurs années une forte augmentation des catégories A+ au détriment des postes de terrain. Tout en affichant un optimisme de circonstance, le Président et Madame Hakni-Robin, vice-présidente en charge du personnel, sont restés quelque peu stupéfaits de nos constats.

Nous avons conclu la rencontre sur la nécessité de trouver impérativement des résolutions à cette souffrance au travail qui relèvent à la fois de moyens concrets à mobiliser que d’un mode de pensée à faire évoluer pour espérer atteindre un certain « bonheur au travail ». Une tâche à laquelle le Président pourra s’atteler sans se presser puisque son action s’inscrit désormais sur un mandat long de 6 ans (au lieu de 3 ans antérieurement).

Avant de le quitter, SUD a transmis à Monsieur Chenut son 1er préavis de grève pour le 19 mai, histoire de le mettre rapidement dans l’ambiance !!!