destruction du Service public au Département du Nord

lettre des fédérations CGT, SNUTER, CNT, FO et Sud CT des personnels des collectivités territoriales

Paris le 17 juin 2016
lettre des fédérations

Monsieur le Président du Conseil départemental du Nord,

Depuis juin 2015, vous mettez en place un plan de restriction budgétaire sans précédent, visant à dégager au moins 100 millions d’euros sur le budget fonctionnement pour 2016.

Nos Organisations Syndicales, sans avoir à se prononcer sur les motifs qui sous-tendent ce plan tiennent néanmoins à vous faire remarquer que la baisse des dotations de l’Etat, qui vous sert d’argument, a été voulue et décidée par le gouvernement, soutenue par votre majorité politique

Durant des mois, vous avez annoncé à qui voulait l’entendre que la situation financière du Département dictait vos choix : « le Département risque la mise sous tutelle par l’État », « le rapport de la CRC (qui n’est toujours pas publié) est alarmant et nous impose des régularisations », « la collectivité est en situation de faillite », etc.

Depuis quelques semaines, comme par « miracle », vous annoncez que le Département est sauvé, que 150 Millions d’euros d’économie ont été réalisés !

Nos organisations syndicales considèrent que votre ligne de communication est un alibi qui masque mal une posture idéologique visant à faire privatiser le service public et dénoncent les répercussions graves sur les conditions de travail des salariés et des agents.

Votre plan s’appuie sur la posture dogmatique qui voudrait que le service public, soit uniquement une charge qu’il faudrait réduire. « Logiquement », l’ensemble des missions de la collectivité qui sont dans votre viseur :

  • l’action sociale, budget principal du Département, est gravement menacée : judiciarisation à tout prix au détriment de la protection de l’enfance, prévention sans moyen pérenne alloué, exploitation des assistants familiaux, perte d’autonomie des travailleurs sociaux et instrumentalisation de leurs missions à des visées de contrôle social des populations (et plus particulièrement des allocataires du RSA), baisse des subventions aux établissements sociaux et médico-sociaux (-3% des financements des EPHAD, baisse de budget de 5%/an pour les MECS et de 4%/an pour le handicap … 10 M d’euros sur trois ans). Vous supprimez ainsi des moyens d’accueil adaptés pour les nordistes les plus fragilisés et provoquez des plans de licenciements importants dans ces structures, non remplacement des postes vacants dans les services sociaux du Département, etc.
  • la suppression de la gratuité du transport scolaire pour les collégiens : une véritable régression sociale !
  • pour la culture : absence de moyens pour le développement de la lecture publique. La baisse des subventions aux Scènes Nationales, aux structures labellisées et conventionnées et à certains festivals pour un montant d’un million d’euros ne peut qu’avoir des répercussions néfastes sur l’accès à la culture des citoyens en même temps qu’elle précarise encore davantage de nombreux salariés du secteur.
  • les attaques menées contre le SDIS et ses professionnels sont également de notre point de vue totalement injustifiées et contraires à une vraie politique de protection et d’aide à la population.

Nous ne pouvons que nous élever contre ces orientations de réduction du Service Public qui pénalisera en premier lieu les usagers les plus fragilisés et les populations qui ont le plus besoin de l’action publique.

Nous sommes également très préoccupés par le sort réservé à nos collègues territoriaux. Nous dénonçons la dégradation de leurs conditions de travail induite par votre politique de réduction de la masse salariale de 8%. En effet, vous annoncez la suppression de 350 postes par an, soit 2000 postes sur l’ensemble de votre mandat : c’est inacceptable ! Cette politique se mène par le biais de restructurations violentes de services où les agents ne servent que de variables d’ajustement, des mutualisations et la privatisation de missions comme celle de l’entretien des collèges qui aura pour effet de réduire le nombre d’adultes présents auprès des enfants au quotidien, pourtant membres de la communauté éducative.

Nous condamnons votre remise en cause du temps de travail des agents par la suppression de 9 jours et demi de repos annuel. Le personnel de la collectivité effectue 39h/ semaine et souvent bien plus. Ces jours de repos supplémentaires et spécifiques, qui avaient fait l’objet d’une délibération conforme à la loi Aubry et validée par les service de la DRCL de la préfecture, reconnaissaient une sujétion particulière et la pénibilité liée à l’exercice de missions de service public dans un département particulièrement touché par la crise sociale et économique.

Votre plan d’austérité se décline dans les services par un management agressif plus axé sur la sanction que sur la reconnaissance et sans considération pour les agents. Nous n’acceptons pas ces attaques portées à nos collègues, à leur santé, à leurs missions. Des attaques souvent menées par voie de presse qui dévalorisent les agents et ne sont que le reflet d’un mépris profond contre les fonctionnaires.

De même, vos décisions de ralentir la carrière des agents, d’augmenter la cotisation de la complémentaire santé, de remettre en cause systématiquement les remboursements des frais de déplacement et le paiement des heures supplémentaires réalisées, ou encore d’instaurer la rémunération à la performance,
sont des régressions sociales d’ampleur prenant bien mal en compte le sens du service public qui anime les agents territoriaux de votre collectivité.

Par ailleurs, nous restons déterminés à défendre des négociations collectives dans lesquelles les organisations syndicales n’ont pas à valider aveuglement vos décisions dans des instances qui ne sont, pour vous, que des chambres d’enregistrement. Les organisations syndicales sont des interlocuteurs légitimes porteuses de la voix des salariés sans lesquels il n’y a pas de Service Public. Nous dénonçons votre refus d’instaurer un réel débat : absence de concertation et de prise en compte du rejet quasi unanime de vos projets par la représentation du personnel (11 élus sur 12 s’y sont opposés lors du dernier comité technique). Et votre responsabilité est entière dans le climat délétère qui s’est installé au sein de notre collectivité.

De même, nous condamnons fermement vos mesures de répression syndicale et votre volonté de criminaliser la mobilisation sociale. Après avoir tenté de museler l’expression syndicale (par le blocage des boites mails et site internet), sans aucun élément factuel permettant d’incriminer des agents, vous vous en prenez violemment aux représentants syndicaux désignés au hasard en leur infligeant la sanction la plus arbitraire qui soit (mise à pied de 2 et 3 jours sans passage devant le conseil de discipline).

Les Organisations Syndicales CGT, FO, FSU-Territoriale, CNT et SUD réaffirment leur solidarité avec les agents et salariés du Département du Nord et vous demandent de mettre fin à tout projet de restructuration, privatisation et de régression des droits du personnel.

Nous nous associons totalement et nous soutenons totalement toutes les mobilisations des agents du Département du Nord et des salariés des établissements sociaux et médico-sociaux, notamment à celle qui a eu lieu le lundi 13 juin 2016, et celle qui s’annonce le 20 juin.

Nous vous appelons à ouvrir un réel débat avec leurs représentants sur le Service Public Départemental et son avenir.

Dans un contexte de fortes tensions économiques et sociales, les services publics ne sont efficaces que portés par des agents motivés et reconnus, dont les conditions de travail sont sécurisées et dont la parole est respectée.

Veuillez croire, monsieur le Président, en notre attachement en un service public de qualité.

Les secrétaires nationaux de la CGT, la FSU Territoriale, la CGT, FO, SUD CT