LPCG n° 179 : « Soyons Charlie ! »

éditorial du n° 179

LPCG n° 179

Depuis le 7 janvier, des millions de personnes, en France mais aussi partout à travers le monde, le proclament : « Je suis Charlie ».

Aux fanatismes qu’ils soient nationalistes ou religieux, Cabu et ses potes opposaient le crayon et l’humour, « pour dénoncer la bêtise en faisant rire ». La mobilisation en réaction au massacre qui a décimé la rédaction de Charlie Hebdo et aux tueries qui l’ont suivi, a été à la hauteur du traumatisme ressenti. Ce temps de partage était sans doute nécessaire. Mais doit-on pour autant se réjouir de cette pseudo union nationale fondée sur des valeurs aux relents parfois nauséabonds ?

Charlie ? Netanyahou qui mène depuis près de 20 ans une politique coloniale meurtrière en Palestine ! Charlie ? le président gabonais et les ministres hongrois, russe ou turc, peu connus pour la défense des libertés, et en particulier celle de la presse, dans leur pays_ ! Charlie ? les dirigeants des pays européens dont les politiques d’austérité détruisent le tissu économique et social et les droits fondamentaux, creusant ainsi le lit de l’extrême droite ! Charlie ? tous ceux qui, en attisant la peur et la haine de l’autre, renforcent la xénophobie et l’homophobie ! Charlie ? ceux qui poursuivent la destruction de nos services publics, ciments de la solidarité !

Le 11 janvier, des défilés ont réuni 4 millions de personnes dans les villages comme dans les grandes villes. Mais ce sursaut citoyen permettra-t-il de s’attaquer aux causes de la désespérance qui conduit trop de jeunes à s’engager dans les mouvements fanatiques, et pas seulement le jihad, vers l’intégrisme religieux de tout bord, vers l’extrême droite...? Les annonces gouvernementales récentes laissent plutôt craindre une dérive sécuritaire, à l’instar de la « loi mordaza » dite de sécurité publique qui vient d’être promulguée en Espagne et qui interdit, entre autres, les dessins politiques satiriques. A moins que la victoire de Syriza en Grèce ne nous ouvre enfin d’autres perspectives que la nouvelle régression sociale promise par le projet de loi Macron.

Face à l’urgence sociale, les organisations syndicales doivent prendre leurs responsabilités pour imposer une autre politique que l’austérité qui a démontré son inefficacité en Grèce ou en Espagne et laisse les pays exsangues. C’est le sens de l’invitation lancée par Solidaires à tous les syndicats, restée ce jour sans réponse.